S’adapter aux changements, par Patricia Arnaud.

Article paru dans notre Bulletin Échos – Automne 2018.

Depuis que je suis en poste à l’APAMM-RS, j’ai rencontré de nombreux changements : l’informatique s’est développée; des logiciels toujours plus performants se sont succédés ; les bureaux se sont promenés dans différents locaux; l’équipe du personnel s’est agrandie avec les années et les besoins des familles ont aussi changés ou du moins les diagnostics ont pris de l’envergure. La situation des membres de l’entourage est devenue de plus en plus complexe : présence de plusieurs diagnostics chez le proche atteint de maladie mentale, surconsommation, fragilisation et instabilité du réseau familial, etc. Bref, la famille semble avoir perdu avec les dernières décennies des alliés. Elle se voit obligée de fonctionner dans une société très exigeante, où chacun cherche à reprendre son souffle dans une effervescence sans limite.

En regardant l’histoire du passé, tous ces changements arrivaient dans le temps… dans un temps, qui nous semblait relativement long ou relativement confortable à leur assimilation.

La différence avec aujourd’hui est que tous les changements nous arrivent rapidement… et ce, de plus en plus rapidement. C’est en assistant à une formation sur « Les générations en emploi » lors du Congrès de notre fédération (Réseau avant de craquer) que j’ai pu mesurer l’ampleur de ce que nous avons vécu, ce que nous vivons et ce qui s’en vient!

Ainsi, j’aimerais vous partager quelques données que je trouve particulièrement intéressante pour comprendre notre situation actuelle et celle qui s’en vient. Les générations ne sont pas seulement des ensembles de personnes qui se succèdent les unes aux autres, mais elles portent des caractéristiques très particulières, qui nous influencent ou qui vont nous influencer.

Définition d’une génération : Une génération est un groupe d’individus ayant vécu dans un temps x (correspondant à la vitesse des changements), qui partage un certain nombre de pratiques et de représentations et, qui est susceptible d’avoir des valeurs communes. Aucune génération n’est complètement homogène. On pourrait parler de patterns générationnels. (Les générations en emploi – Centre le Pont – 2018)

 

La génération silencieuse – Sens du devoir – 1901-1944 (durée 43 ans)

L’importance est mise sur le travail et la sécurité d’emploi. Cette génération travaille fort et souvent physiquement. La durée moyenne de travail dans une entreprise est de 40 ans. Les valeurs de respect,  loyauté, fidélité, force et solidarité sont à l’honneur. Les communications sont simples : face à face, courrier et télégramme. Les clients s’attendent à l’accessibilité des produits. On se souvient que c’est la période des deux grandes guerres; de la révolution industrielle; de la grande dépression des années 30. La population est inquiète, navigue à travers les pénuries d’emploi et se conforme pour sa survie et celle de sa famille. Elle accepte la discipline et les contraintes. Elle pense davantage à économiser qu’à dépenser. Les lendemains sont trop incertains.

La génération Baby-boomers – Prospérité – 1945-1963 (durée 18 ans)

L’importance est mise sur la réussite dans la vie. On recherche un certain standing et l’amélioration des conditions de travail. L’identité professionnelle devient également importante. On ne veut plus faire n’importe quoi. La durée moyenne de travail dans une entreprise est de 25 ans. C’est le début de l’informatisation. Les valeurs de respect sont encore là, mais pas à n’importe quel prix. On se permet de mettre au défi. De nouvelles qualités se développent comme avoir de l’assurance, être ambitieux et autodidacte. Les communications sont encore simples : face à face, téléphone et télécopies. Les clients s’attendent à la diversité des produits. On se souvient que c’est la période où les jeunes partent vers les grandes villes; le climat économique est favorable; les femmes s’émancipent; début des divorces; les choix de vie deviennent diversifiés; l’éducation est accessible à tous, surtout aux études universitaires pour les femmes. Toutefois, les chances d’emploi seront plus grandes entre 1945-54 et se fragiliseront par la suite. N’empêche que cette génération sera plus à l’aise et s’intéressera à la culture, à l’information, à la discussion et aux divertissements. C’est l’arrivée de la télévision.

La génération X – Autonomie – 1964-1978 (14 ans)

L’importance est mise sur réussir sa vie et relever des défis. La durée moyenne de travail dans une entreprise est de 8 ans. Cette génération connaîtra une crise économique importante en 1980. Les emplois sont moins payants et moins stables. C’est l’éclosion de l’entreprenariat et des PME. L’employé veut un mentor plutôt qu’un patron. Il veut être consulté. De nouvelles qualités se développent comme le multitâches et la polyvalence. Les communications se développent : SMS et E-mail. Les clients s’attendent à la qualité des produits. Les nouvelles avancées touchent les droits et libertés, le début de la mondialisation, l’informatisation des foyers et la montée de l’écologie.

La génération Y – Réussite – 1979-1994 (15 ans)

L’importance est mise sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie sociale; le climat et l’ambiance de travail; le sens de son travail; être dans l’action; la formation continue qui permet à la personne de veiller sur les autres offres d’emploi; le travail comme aventure; le besoin d’emplois stimulants.  La durée moyenne de travail dans une entreprise est de 4 ans. La fiabilité est moins au rendez-vous. On voit l’apparition du télétravail. Le style directif des patrons est laissé pour un style de gestion plus collaboratif. Les nouvelles communications : réseaux sociaux et texter. Les clients s’attendent à la personnalisation des produits. Cette génération est plus mobile, active, dynamique, génératrice d’idées. L’attention est de 16 minutes, la personne déteste perdre son temps et s’impatiente. Elle est rapide, efficiente, flexible et confiante. C’est aussi la génération appelée millénaire ou enfant roi, qui a le goût de la négociation, de l’évasion et a un souci pour son apparence. Elle accepte peu les restrictions. Avant d’agir, il lui faut beaucoup d’explications. Début de l’hyperconsommation et de l’hypersexualisation. Les nouvelles avancées touchent l’arrivée des réseaux internet, l’ouverture à la diversité et aux différences.

La génération Z – Virtualité – 1995-2010 (15 ans)

L’importance est sur le choix de son employeur; son autonomie personnelle; les possibilités et récompenses. Les emplois manuels reviennent et le travail en ligne apparaît.  Le patron doit suggérer, plutôt qu’obliger. Les clients s’attendent à des produits écoresponsables, à la personnalisation poussée des produits et à l’accessibilité rapide des produits. Cette génération est attirée à travailler dans une entreprise où ses amis y travaillent. Elle est très ouverte aux changements de travail et d’entreprise. L’employé parle beaucoup et mise sur son charisme. Son attention est d’une durée de 5 minutes, agitée par le monde qui l’entoure. Cette génération sera marquée par les événements du 11 septembre, la fragilité de la vie, les crises économiques qui vont se succéder, l’arrivée des blogues, des modes de revente, d’échanges et de troc. On anticipe qu’il y aura de moins en moins de bureaux physiques, de gratte-ciels, au profit de bureaux virtuels accessibles de partout. La richesse, ce ne sont plus les objets, mais ce sont les informations. Retour de la famille unie (choix du conjoint) après les déboires des dernières générations. Hausse des écoles alternatives. Cette génération évolue dans un climat de menaces terroristes, d’alertes sur la planète et l’environnement. Elle souhaite réinventer le monde et surtout de défendre des causes. Il lui reste à filtrer la somme colossale d’information qu’elle reçoit. Le monde tourne vite, engendrant agitation et anxiété à un tout jeune âge. Dans une société où la jeunesse est à la mode, elle trouve difficilement des mentors et guides d’expérience. Les influenceurs du web et les youtubeurs sont ses références.

Vous comprendrez qu’après avoir lu ces quelques informations, bien succinctes, on se rend vite compte de l’ampleur des changements que nous avons traversés et ceux que nous aurons à traverser dans les années à venir. Il ne s’agit nullement de dire que c’était mieux à telle époque ou à telle autre. La constante est qu’il y a des bonnes choses et de mauvaises choses dans chaque génération. Sur ce principe, nous avons donc intérêt à nous adapter du mieux possible aux circonstances, en utilisant nos forces et en reconnaissant nos faiblesses. Cette capacité d’adaptation sera différente pour chacun de nous.

Nous avons eu tous à nous adapter à la maladie mentale d’un proche et nous avons pu traverser des périodes difficiles grâce au soutien d’un proche, d’un pair, d’un ami ou de l’APAMM-RS. Je vous invite à garder confiance pour poursuivre cette fascinante aventure qu’est la vie sur terre. Nous avons beaucoup plus de capacités d’adaptation que nous le pensons, surtout lorsque nous osons faire confiance à d’autres. Il suffit toutefois de ne pas nous négliger dans cette course et à prendre du recul, soit pour mieux réfléchir à la suite ou pour nous reposer. C’est important de vous respecter et de prendre le temps qu’il vous faut. C’est comme les recettes de cuisine : il y en a de très bonnes qui sont faites très rapidement, et il y en a d’excellentes qui sont mijotées. Gardez votre discernement pour savoir laquelle cuisiner.

 

Référence : Daliane Turcotte-Guimond, CRHA & Lori Varin-Dupuis, B.Ed. psychoéducation. Les générations en emploi. Le Pont – centre d’emploi pour femmes. 2018.