Article écrit dans le Bulletin Échos – automne 2018 – par Eilyn Miranda 

Laisser ses enfants grandir et grandir en tant que parents, c’est comme faire voler un cerf-volant qui, au fur et à mesure qu’il gagne de l’expérience, on laisse voler librement. En tant que parent, on doit apprendre à lentement laisser aller nos enfants lorsqu’ils passent d’ « enfant » à « adulte » et nous, on passe de « parent d’enfant » à « parent d’adulte ». Avec le temps, enfants et parents gagnent de l’expérience. C’est comme lâcher peu à peu la corde d’un cerf-volant.

Ce cerf-volant, c’est votre enfant. Lorsqu’il est petit et n’a pas d’expérience, votre enfant est un cerf-volant qui flotte doucement avec la brise, mais vous tenez la corde très fort et il reste tout près de vous. Alors que vous vous sentez plus sûr de vous et que vous croyez que votre enfant est protégé, confortable et sûr de lui, vous lâchez la corde peu à peu. Votre enfant grandit, il passe d’enfant à adolescent puis à adulte. C’est un grand cerf-volant maintenant ! D’un coup, le vent devient plus fort et par instinct de protection, vous tirez la corde rapidement vers vous. Sauf que le cerf-volant est devenu plus grand, plus lourd et offre une résistance au vent. La corde pourrait se briser ! De plus, un jour il devra voler de lui-même et faire face à des brises et à des tempêtes, à des petits problèmes et des grandes frustrations, à des temps de santé et de maladie, à des temps de crise et des temps de calme. Un jour, celui qui tient la corde ne sera plus de ce monde et le cerf-volant devra prendre son envol.

Ces tempêtes, ce peut être divers problèmes de santé mentale, des maladies diagnostiquées ou pas, des troubles de personnalité, etc. Même avec tout ça, le cerf-volant doit continuer son chemin. C’est mieux que ce cerf-volant, votre enfant, se souvienne de vous comme un mentor qui lui a appris à faire face aux adversités. Pour ce faire, il faut le laisser expérimenter, courir des risques, utiliser sa propre volonté, faire ses propres choix, avoir tort et avoir raison, afin qu’il puisse apprendre. Il doit apprendre à se débrouiller, à demander de l’aide, à chercher des ressources dans la communauté. Nous pouvons être leur exemple en cherchant nous-mêmes de l’aide sur comment être des parents d’adultes, pour accompagner sans contrôler et être capables de conseiller sans pour autant prendre les décisions à leur place. Tout ça, avec ou sans maladie mentale.

Attention aux mères de tomber dans le syndrome de Wendy[1] ! Comment reconnaître les mères avec ce syndrome ? Ce sont celles qui souffrent de façon disproportionnée lorsqu’il faut dire « non » à ses enfants, qu’ils soient jeunes ou adultes. Souvent, elles s’oublient elles-mêmes pour faire plaisir à ses enfants et ensuite, elles souffrent des conséquences. Comment peut-on donner l’exemple d’une bonne estime de soi si on se dévalorise en tant que mère ? Il ne faut pas avoir peur des situations de conflit, si celles-ci peuvent aider nos enfants à mûrir.

En tant que parent d’adulte, permettez à votre enfant atteint d’être le plus libre possible, tout en restant en connexion avec lui. Vous pouvez conseiller, mais ne vous attendez pas à ce que ce soit une obligation de votre enfant de suivre vos conseils. Par contre, il devra assumer les conséquences de ses choix. Laissez-le payer pour ses erreurs, travailler pour ce qu’il veut et exercer sa volonté. Si vous décidez tout pour lui, comment va-t-il développer sa confiance en soi ? Laissez-le sortir de sa zone de confort. Si votre enfant habite avec vous, il n’est pas à l’hôtel mais dans un foyer où, en plus de partager son confort, il faut partager des responsabilités. Il ne lui fera aucun mal d’être responsable de quelques tâches quotidiennes. N’oubliez pas que le foyer permet la pratique de la vie en société. Plus on est inclus dans la vie au foyer, plus grandes sont les chances d’inclusion sociale. Votre enfant ne veut pas ? Mettez des conditions ! Cependant, assurez-vous d’appliquer les conséquences si les conditions ne sont pas remplies. Très souvent, les parents préfèrent acheter la paix et oublient qu’ils ne seront pas toujours là pour tenir la corde du cerf-volant qu’est notre enfant.

Pour nous aider nous-mêmes à grandir et à être de bons parents d’adultes, cherchons à nous former sur notre rôle de parent, sur la maladie ou sur le trouble qui affecte notre enfant pour mieux le comprendre et éviter de faire des erreurs. Parfois, on peut faire du mal sans le vouloir, simplement parce qu’on manque d’informations. L’APAMM-RS, avec son calendrier annuel d’activités, formations et conférences, peut vous aider avec ceci.

Il faut reconnaitre que parfois, on se sent plus sûrs lorsqu’on tient fermement la corde de notre cerf-volant, lorsqu’on prend des décisions à la place de nos enfants. Parfois, on a peur de sortir de notre zone de confort. Souvent, ce sont nos propres insécurités qui nous retiennent à accepter les changements et à oser chercher de l’aide. On veut que nos enfants cherchent de l’aide, qu’ils acceptent un traitement ou un suivi, mais en tant que parent, on ne veut pas s’impliquer à apprendre ou bien, accepter qu’on doit aussi faire des changements et grandir en tant que parent, en relâchant la corde qui attache nos enfants. Combien de fois on veut voir voler le cerf-volant, mais on ne veut pas le laisser décoller ! Lorsqu’on a un enfant atteint d’une maladie mentale ou d’un trouble, il a encore plus besoin d’exercer tout son potentiel et gagner le plus d’autonomie possible. Il va vous en remercier, lorsque vous ne serez plus là et qu’il va devoir affronter la vie de lui-même.

Tout comme vous pouvez rester aux côtés de votre enfant comme un guide, un soutien, un conseiller, un orienteur et un formateur, notre organisme peut jouer ce rôle-là avec vous. Prenez aussi votre envol en tant que parent, mais faites-le bien équipé. Nous sommes là pour vous aider.

[1] Syndrome de Wendy : Série de comportements décrits par le psychologue américain Dan Kiley (1983) pour identifier des personnes qui vont jusqu’à se sentir accablées car elles se sentent indispensables pour l’autre. La personne adopte un rôle de protecteur qui va jusqu’à remplacer l’autre dans ses responsabilités. C’est une personne qui comprend l’amour pour l’autre (son enfant, conjoint(e), etc.) comme étant un sacrifice, se conformant à sa souffrance et en faisant tout son possible pour éviter toute contrariété à l’autre. Le nom du syndrome fait référence au personnage de Wendy de l’histoire de Peter Pan.