Article de Patricia Arnaud, de l’APAMM-RS
Pendant longtemps les associations familles du Québec offrait des services aux membres de l’entourage d’une personne atteinte de maladie mentale de 18 à 65 ans. Certaines associations avaient un budget séparé pour les 0-17 ans. Nous avions tous l’habitude de référer l’entourage d’un aîné vers les services du CLSC. N’entraient-ils pas dans la catégorie du maintien à domicile?
La réalité n’est plus aussi simple aujourd’hui. Pour côtoyer de plus en plus de membres de l’entourage d’aînés atteints de maladie mentale, le CLSC ne répond pas exactement aux besoins de la personne et surtout de son entourage.
Lorsqu’on parle d’atteinte d’un trouble de santé mentale, on pense en particulier à une personne âgée qui continue (et non pas qui débute) des symptômes psychotiques, d’un trouble bipolaire, de dépression sévère, d’un trouble de la personnalité, etc. Il peut y avoir un diagnostic prononcé ou non. L’important sont les symptômes présents. Exclusion faite, des troubles d’Alzheimer et autres troubles concomitants qui ont débuté à un âge avancé. Il existe alors des organismes spécialisés pour venir en aide aux personnes et à leur famille, comme par exemple la Société d’Alzheimer.
Que peut faire un homme dont la mère a toujours montré un trouble de la personnalité limite (sans nécessairement obtenir un diagnostic) et qui est aujourd’hui âgée de 88 ans ? Si nous référons cet homme au CLSC, un professionnel de la santé en maintien à domicile va offrir certains services à sa mère, comme par exemple : 1 bain par semaine, l’aide à l’épicerie, des activités dans un centre de jour, la popote roulante, etc. C’est très bien ces services, mais qu’arrive-t-il si sa mère refuse en partie les services et se fit uniquement sur son fils? D’ailleurs, le fils reçoit des appels des intervenants qui soutiennent sa mère à l’occasion pour discuter des troubles de comportement de la mère, ce qui n’allège pas vraiment la situation du fils. Ce dernier a tenté depuis de nombreuses années, pour ne pas dire, depuis son enfance d’aider sa mère. N’est-il pas devenu avec les années, son intervenant?
Toutefois, avec l’âge, le fils constate une dégradation de la santé en général de sa mère, qui nie tout, bien entendu. Parmi les symptômes d’un trouble de personnalité limite, on peut retrouver des symptômes de d’autres troubles de la personnalité (les symptômes ne se confinent pas à un seul diagnostic), comme la paranoïa (délire qu’on la vole la nuit), le narcissisme (rien n’est à sa hauteur), l’histrionisme (théâtralité afin d’obtenir de l’attention et des privilèges), etc. Tout cela bien sûr, se rajoutant au trouble de la personnalité limite, dans ce cas-ci. Parmi les symptômes du trouble de personnalité limite :
- Des efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginaires.
- Un mode de relations interpersonnelles instables et intenses. Tout est blanc ou tout est noir. Pas de demi-mesure.
- Instabilité de l’image de soi. A une image perturbée d’elle-même. S’imagine différemment.
- Grande impulsivité qui la place dans des situations complexes, désagréables, dangereuses ou coûteuses.
- Idées, pensées ou gestes suicidaires. Automutilation.
- Malaise intérieur. Se sent toujours mal intérieurement. Sentiments dépressifs. Irritabilité. Grande anxiété.
- Sentiments de vide intérieur.
- Colères intenses et inappropriées. Grande difficulté à gérer les émotions.
- Dissociation ou fuite dans des situations de grand stress.
Il a été suggéré au fils d’accompagner sa mère chez le médecin de famille et de communiquer au médecin tout ce que le fils pouvait constater des comportements et idées de sa mère. En fait, la mère ne communiquait uniquement à son médecin que ce qu’elle souhaitait et il n’était nullement au courant de la réalité. C’est ainsi, que l’omnipraticien référa la dame en gérontologie. Le fils accompagna sa mère dans une série de tests à l’hôpital : cognitif, neurologique, prises de sang, scanner, etc. Bilan : troubles cognitifs avec paranoïa. Le gériatre n’a pas caché au fils, que la dame évaluée a sûrement des troubles de la personnalité depuis de nombreuses années, et que la situation se détériore avec l’âge, dû aux cognitions (processus de la pensée) qui s’altère avec la vieillesse.
Une médication est offerte, mais la dame refuse. Alors, le dossier médical s’arrête là! Madame retourne chez elle et son fils est consterné. Il a vraiment d’impression que tout ce qu’il a fait depuis des mois, n’a servi à rien. Sa mère continue d’être désespérée que les voisins entrent la nuit chez elle pour la voler. Cela l’emmène à accuser injustement des personnes, avec agressivité et à s’attirer les foudres des voisins.
Que peut faire le fils pour aider sa mère à aller dans une résidence avec des services adaptés, et éviter pour lui de s’épuiser davantage?
Finalement, à contre cœur, le fils a dû commencer à se désengager auprès de sa mère. Lui qui faisait tout pour elle. Il a obtenu certains services du CLSC. Devant la distance qu’a dû mettre son fils, la mère a vécu cela comme un grand abandon (elle qui a si peur des abandons) et s’est désorganisée psychologiquement. Autrement dit, les délires et les conflits avec son environnement se sont amplifiés; elle téléphonait à son fils en pleurant; et elle a finalement accepté d’aller dans une résidence de personnes âgées.
Là aussi, le fils a dû faire de nombreuses démarches pour trouver finalement un endroit. Il y a une pénurie d’hébergement pour les aînés ayant besoin de services. C’est un vrai labyrinthe de ressources d’hébergement. Quand on arrive à bien évaluer pour son proche le type de résidence que ça prend, il y a alors de longues listes d’attente. Des résidences pour personnes âgées, complètement autonomes et privées ($$$), il y en a beaucoup. Mais pour des personnes en perte d’autonomie avec problèmes cognitifs (légers à modérés) ou troubles de santé mentale, à prix abordable, c’est beaucoup plus rare. Quand vous trouvez ce genre de ressources, vous sautez dessus. C’est ce que le fils a fait et nous sommes soulagés pour lui.
Tout n’est pas terminé pour lui, car il devra continuer à faire le lien entre sa mère et le personnel de la résidence, car les comportements et attitudes de sa mère n’auront pas changés. Il devra composer avec le même mal-être de sa mère et tous ses autres symptômes, mais au moins, il n’est plus seul!