Connaissance de soi par les schémas
Article écrit dans le Bulletin Échos de l’APAMM-RS – Hiver 2017 – par Patricia Arnaud
J’ai récemment suivi un cours sur l’Approche des schémas précoces inadaptés, inspirée de Jeffrey E. Young. En fait, il s’agit dans cette approche de nous familiariser avec certains éléments de connaissance et de savoir-faire de la psychologie clinique et scientifique, ayant trait notamment à la présence de schémas précoces inadaptés qui nous suivent à notre insu une partie de notre vie. Les connaitre pour mieux les comprendre, les analyser et les transformer dans notre quotidien aide grandement l’individu à s’épanouir dans une vie qui lui appartient. Bref, je vais tenter de vous faire un résumé de 45 heures de cours et de la lecture du livre Je réinvente ma vie de Jeffrey E. Young et Janet S. Klosko.
La thérapie par les schémas est un modèle conceptuel et thérapeutique riche et organisateur, qui se situe dans la continuité des approches suivantes : cognitives-comportementales, théorie de l’attachement, Gestalt thérapie, constructivisme et psychanalyse.
La thérapie par les schémas insiste sur : l’exploration de l’origine des problèmes dans l’enfance et l’adolescence; sur les techniques émotionnelles; sur la relation thérapeutique; sur les styles d’adaptation dysfonctionnels.
Les schémas se construiraient tôt dans notre vie et continueraient à s’enrichir tout au long de la vie.
Les trois éléments qui constituent un schéma précoce inadapté :
Les schémas ont dans certains cas une origine traumatique : abandon; abus/méfiance; manque affectif; honte. Quand un de ces souvenirs traumatique est activé la personne ressent une forte émotion négative : tristesse; peur; colère. D’autres schémas ne sont pas d’origine traumatique, mais viennent d’expériences nocives répétées régulièrement : parent avec addiction; parent distant ou absent; parent surprotecteur, etc.
Quatre types d’expériences engendreraient la constitution des schémas précoces inadaptés.
- La frustration des besoins : carence des besoins fondamentaux; manque de stabilité; manque de compréhension; manque d’amour et d’affection.
- La traumatisation ou la victimisation : enfant maltraité ou négligé.
- Excès de la satisfaction des besoins : surprotection des parents; excès de liberté et d’autonomie, sans limite.
- L’internalisation des pensées, les expériences et les comportements : comment j’assimile les pensées des autres pour les faire miennes.
Deux schémas touchent la « sécurité de base »
La personne qui porte ces schémas est incapable de former des liens sûrs et satisfaisants avec les autres. Elle pense que ses besoins de stabilité, de sécurité, d’attention, d’amour et d’appartenance ne seront jamais comblés.
Schéma « abandon » : La personne a l’impression que ses êtres chers la quitteront, qu’elle restera seule et isolée sur le plan affectif tout au long de sa vie. Il y aura souvent un manque de stabilité ou de fiabilité dans ses relations. La personne pense qu’elle ne peut pas compter sur les autres. Elle peut penser qu’elle ne vaut pas la peine.
Schéma « méfiance / abus » : La personne s’attend à ce que les autres la fassent souffrir, la maltraitent, l’humilient, lui mentent, trichent ou profitent d’elle. Cette personne craint la trahison, la manipulation, la violence physique ou toute autre forme d’abus. Soit elle s’attachera à des personnes qui la maltraitent ou soit elle évitera toute forme de relation affective se contentant de relations superficielles.
Deux schémas touchent les « relations interpersonnelles »
Malgré les apparences, la personne se sent seule et marginale. Elle est plutôt solitaire. Un grand vide intérieur est ressenti. Elle aspire à former des attachements. Elle maintient toujours une certaine distance entre elle et les autres. Elle peut facilement reculer face à l’intimité.
Schéma « carence affective » : Elle ne se sent pas aimée et porte la certitude que les autres ne lui donneront pas le soutien affectif dont elle a besoin. Ses besoins affectifs ne seront jamais comblés. Elle porte une grande solitude. Elle a de la difficulté à aimer sainement. Elle peut devenir fusionnelle ou au contraire fuir les relations.
Schéma « exclusion » : C’est le sentiment d’être isolé, différent des autres. La personne se croit aliénée et marginale. Elle a le sentiment de ne pas faire partie d’un groupe. Elle se croit socialement peu désirable. Elle peut avoir certaines caractéristiques qui la rendent différentes des autres, mais elle intensifiera négativement sa perception d’elle-même.
Deux schémas touchent « l’autonomie »
L’autonomie est la capacité qu’a une personne à se séparer de sa famille et à fonctionner de façon indépendante. La personne peut avoir des attentes vis-à-vis d’elle-même et des autres qui ne correspondent pas à sa capacité de survivre, à agir indépendamment et à parvenir à une réussite suffisante. Elle est incapable de se fixer des objectifs.
Schéma de « dépendance » : Incapacité de faire face aux responsabilités quotidiennes sans l’aide des autres. Elle manifeste fréquemment une passivité ou un manque d’initiative. Elle se sent incompétente et souvent incapable. Elle aura tendance à se faire diriger.
Schéma de « vulnérabilité » : Peur exagérée d’une catastrophe qui peut survenir à tout moment et à laquelle elle ne pourra faire face (ex : peur pour sa santé, de perdre le contrôle ou la raison, phobies). Peurs déraisonnables et irréalistes. Elle ne se sent pas en sécurité. Peut avoir vécu la surprotection des parents ou autres traumatismes.
Deux schémas touchent « l’estime de soi »
L’estime de soi consiste à être conscient de sa valeur personnelle, sociale et professionnelle. Affectée par ce schéma, la personne souffre d’un sentiment d’infériorité. Elle est sensible à la critique et au rejet. Elle se croit inapte et imparfaite. Elle est facilement anxieuse.
Schéma « d’imperfection » : La personne se sent imparfaite, mauvaise, indigne, inférieure ou incapable. Elle est hypersensible à la critique, au rejet et aux réprimandes. La comparaison aux autres entraîne la gêne et un manque de confiance en soi. Elle croit difficilement qu’on puisse l’apprécier pour ce qu’elle est et elle anticipe le rejet.
Schéma « d’échec » : La personne croit qu’elle a échoué (sa vie, ses études, sa famille, etc.). Elle échouera éventuellement et inévitablement. Se sent incapable de réussir. Elle exagère ses échecs et fuit devant les possibilités de réussite.
Deux schémas touchent « l’expression de soi »
La personne affectée réprime l’expression spontanée de ses sentiments et leurs impulsions. Elle a développé un sentiment d’impuissance. Elle accorde plus d’importance au travail et à la réussite qu’au plaisir. Elle peut être serviable, mais démontre une importante inhibition et un contrôle excessif. Elle cherche l’approbation des autres, éviter les représailles et les abandons.
Schéma « d’assujettissement » : Soumission excessive au contrôle des autres, de leurs opinions, de leurs jugements. Éviter la colère des autres, les représailles et les abandons. Elle ne s’affirme pas vraiment et se prive de son identité propre. Elle se soumet même à ses dépens et se prive de sa liberté.
Schéma « d’exigences élevées » : Conviction que la personne doit atteindre et maintenir un niveau de perfection élevé. Éviter la désapprobation ou la honte. Perfectionnisme, règles rigides et préoccupation constante du temps et de l’efficacité.
Un schéma touche les « limites réalistes »
Ce schéma apparaît quand la personne est éduquée dans un milieu laxiste et trop indulgent, sans limites. Elle ne saisit pas le sens des mots « réciprocité » et « altérité ». Elle ne tient pas compte des autres. Elle se centre uniquement sur elle et ses besoins.
Schéma « tout m’est dû » : Elle blâme les autres pour les ennuis qu’elle éprouve. Cette personne se croit supérieure aux autres. Elle croit qu’elle a des droits spéciaux et des privilèges; qu’elle peut obtenir ou faire exactement tout ce qu’elle veut sans considération des autres; tendance à contrôler les autres; exigeante, dominatrice et manque d’empathie; modère mal l’expression de ses émotions; elle fuit la souffrance, les conflits, les confrontations, les responsabilités, les efforts, les engagements, etc.
Pour terminer, tous ces schémas et les blessures sous-jacentes peuvent évoluer positivement avec une bonne thérapie. Pour en savoir davantage, je vous invite à lire le livre cité dans le premier paragraphe. Vous y verrez même des questionnaires vous permettant de vous situer vous-même à l’intérieur de ces schémas.